Le recours gracieux, un quasi-préalable au recours contentieux devant le juge administratif camerounais

Auteur: giscardtchioffo / Kontchou Brain Trust Law Chambers

Le recours gracieux est une voie de saisine de l’administration […]

Le recours gracieux est une voie de saisine de l’administration par laquelle l’administré sollicite de cette dernière qu’elle puisse rétracter une décision prise par elle et qui fait grief à cet administré. En règle générale, ce recours précède le recours devant le juge administratif. Il est donc un préalable au recours contentieux administratif, c’est ce qui lui vaut généralement le qualificatif de recours gracieux préalable.

   1- Quel est le fondement juridique du recours gracieux comme préalable ?

Ce mécanisme de déclenchement du procès administratif est consacré par l’article 17 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs qui dispose in fine que « le recours devant le tribunal administratif n’est recevable qu’après rejet d’un recours gracieux adressé l’autorité auteur de l’acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l’établissement public en cause ».

   2- Quels sont les délais d’exercice du recours gracieux ?

Les différents délais d’exercice du recours gracieux sont indiqués par l’article 17 alinéa 3 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 précitée d’après lequel, « le recours gracieux doit, sous peine de forclusion, être formé : a) dans les trois mois de publication ou de notification de la décision attaquée ; b) en cas de demande -d’indemnisation, dans les six mois suivant la réalisation du dommage ou sa connaissance ; c) en cas d’abstention d’une autorité ayant compétence liée, dans les quatre ans à partir de la date à laquelle ladite autorité était défaillante ». Ces délais ont un caractère impératif et leur non respect entraine automatiquement le rejet du recours contentieux par le juge administratif. C’est par exemple ce qui a été décidé par la chambre administrative de la Cour Suprême dans jugement n°8 du 25 novembre 1976, dans l’affaire Libam Kouang Melchiade contre Etat du Cameroun.

   3- Le juge administratif peut-il dans certains cas recevoir un recours contentieux non précédé d’un recours gracieux ?

Sauf dispositions textuelles contraires (comme en matière contentieux de la suspension, de la dissolution des associations et des organisations non gouvernementales ; du contentieux de la législation, de la suspension, de la dissolution des partis politiques ; du contentieux électoral municipal), en l’absence ou à défaut de preuve de l’introduction d’un recours gracieux, les recours contentieux en annulation ou en indemnisation sont automatiquement déclarés irrecevables par le juge administratif camerounais (voir par exemple dans ce sens, CS/CA, jugement n°17 du 27 janvier 1983, SIMO Thomas c/ Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°27/98-99 du 29 avril 1999, ETEME ONGOLO Gabriel et autres c/ Etat du Cameroun ; CS/CA , jugement n°12/99-2000 du 25 novembre 1999, NYAMSI KETSEMENT et autres c/ Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°13/99-2000 du 25 novembre 1999, AHANDA NOAH Joseph Michel c/ Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°68/99-2000 du 28 septembre 2000, NCHE Simon TABONG c/ Etat du Cameroun).

Si le recours gracieux est rejeté conformément à l’article 17 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 précitée selon lequel « constitue un rejet du recours gracieux, le silence gardé par l’autorité pendant un délai de trois mois sur une demande ou réclamation qui lui est adressée. Ce délai court à compter de la notification du recours gracieux », le recourant est en droit de saisir le juge administratif d’un recours contentieux pour le règlement du litige.