LA CONCILIATION ENTRE DÉBITEUR ET CRÉANCIERS DE L’ENTREPRISE EN DIFFICULTÉS : UNE TECHNIQUE EFFICACE DE PRÉVENTION DE LA CESSATION DE PAIEMENT

Auteur: giscardtchioffo / Kontchou Brain Trust Law Chambers

Dans le souci d’assurer le sauvetage des entreprises en difficultés, […]

Dans le souci d’assurer le sauvetage des entreprises en difficultés, le législateur OHADA a lors de la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif en 2015, fait de la conciliation une arme efficace de prévention des difficultés de l’entreprise. En effet, comme un homme, l’entreprise vit et peut tomber malade. Si cette maladie n’est pas bien traitée, elle peut entrainer sa mort. La prévention devient alors un élément important de protection de l’entreprise. Dans sa version antérieure, seul le règlement préventif figurait au rang des moyens de prévention. La fébrilité de ce moyen de prévention était alors favorable à la consécration de la conciliation. La conciliation est une procédure préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de l’entreprise débitrice afin d’effectuer, en tout ou partie, sa restructuration financière ou opérationnelle pour la sauvegarder. Cette restructuration s’effectue par le biais de négociations privées et de la conclusion d’un accord de conciliation négocié entre le débiteur et ses créanciers ou, au moins ses principaux créanciers, grâce à l’appui d’un tiers neutre, impartial et indépendant dit conciliateur. C’est donc une procédure destinée à éviter la cessation de paiements de l’entreprise débitrice afin d’effectuer sa restructuration financière pour la sauvegarder. Son objectif est alors de trouver un accord amiable avec les principaux créanciers et cocontractants du débiteur, en vue de mettre fin à ses difficultés.

  1. Quelles sont les conditions d’ouverture de cette procédure préventive?

Il existe deux conditions relatives à la procédure de conciliation. La première est relative aux entités concernées et la seconde porte sur sa situation. L’entité concernée par la procédure collective en général et la procédure de conciliation en particulier doit être :

  • toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de droit privé ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé ;
  • Les personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise à un régime particulier lorsqu’il n’en est pas disposé autrement dans la réglementation spécifique régissant ladite activité. Il s’agit plus spécifiquement des établissements de crédit, des établissements de micro finance, des acteurs de marché financier et des entreprises d’assurance et de réassurance.

En ce qui concerne la situation de l’entreprise visée, pour que la conciliation lui soit applicable, elle doit connaître des difficultés avérées ou prévisibles mais sans être encore en état de cessation des paiements.

  1. Comment déclencher la procédure de conciliation?

Pour faciliter le déclenchement de la procédure, le législateur a assouplit les modalités d’accès en faisant du débiteur, l’initiateur exclusif de la demande et en l’impliquant dans la désignation du conciliateur. Le président de la juridiction compétente est saisi par une requête du débiteur ou par une requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers. Cette demande expose ses difficultés ainsi que les moyens d’y faire face. La procédure de conciliation est ouverte par le président de la juridiction compétente, statuant à huis clos, pour une durée n’excédant pas trois mois mais qu’il peut, par une décision spécialement motivée, proroger d’un mois au plus à la demande du débiteur, après avis écrit du conciliateur. A l’expiration de ces délais, la conciliation prend fin de plein droit et il ne peut être ouvert une nouvelle procédure de conciliation avant expiration d’un délai de trois mois. La décision ouvrant la conciliation ou rejetant la demande d’ouverture ne fait l’objet d’aucune publicité. Dans la décision d’ouverture, le président de la juridiction compétente désigne un conciliateur.

  1. Qui peut être désigné conciliateur?

Toute personne peut être désignée conciliateur. Ce dernier doit avoir le plein exercice de ses droits civils, justifier de sa compétence professionnelle et demeurer indépendant et impartial vis‐à‐vis des parties concernées par la conciliation. En particulier, il ne doit pas avoir perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui, au cours des vingt‐quatre mois précédant la décision d’ouverture. Aucun parent ou allié du débiteur, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ne peut être désigné en qualité de conciliateur. Il en va de même pour tout magistrat en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans.

Dès qu’il est informé de sa désignation, le conciliateur atteste qu’il remplit, à sa connaissance, les conditions énoncées ci‐dessus. A tout moment, durant le déroulement de la conciliation, s’il lui apparaît qu’il ne remplit plus ces conditions, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente qui, s’il y a lieu, peut mettre fin à sa mission et nommer un remplaçant.

  1. Quelle est la mission du conciliateur?

Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Le conciliateur peut, à cette fin, obtenir du débiteur tous renseignements utiles. Il rend compte régulièrement, au président de la juridiction compétente, de l’état d’avancement de sa mission et formule toutes observations utiles. S’il a connaissance de la survenance de la cessation des paiements, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente.

  1. Dans quelles hypothèses la conciliation peut-elle prendre fin?

Plusieurs situations peuvent provoquer la fin de la conciliation inachevée :

  • A tout moment, s’il est informé de la survenance de l’état de cessation des paiements dans les conditions prévues par les deux alinéas précédents ou par tout autre moyen, le président de la juridiction compétente met fin sans délai à la conciliation et à la mission du conciliateur, après avoir entendu le débiteur et le conciliateur ;
  • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport écrit au président. Celui‐ci met fin à sa mission et à la conciliation, après avoir entendu le débiteur ;
  • A tout moment, en l’absence de cessation des paiements, le débiteur peut demander à ce qu’il soit mis fin à la mission du conciliateur et à la conciliation, auquel cas le président de la juridiction compétente y met fin sans délai.

Il convient de noter que la décision mettant fin à la conciliation et à la mission du conciliateur en l’absence d’accord est notifiée au débiteur, au conciliateur ainsi qu’aux créanciers et cocontractants appelés à la conciliation, sans délai. Elle ne fait l’objet d’aucune publicité.

  1. Quelle suite pour l’accord de conciliation?

Lorsque l’accord de conciliation est conclu entre le créancier et ses débiteurs, à la requête de la partie la plus diligente, il peut être :

  • Déposé au rang des minutes d’un notaire ;

Ou homologué ou exequaturé par la juridiction ou l’autorité compétente statuant à huis clos. L’homologation ou l’exequatur est de droit et ne peut être refusé que si l’accord est contraire à l’ordre public ; le greffier appose la formule exécutoire ; des copies valant titre exécutoire peuvent être délivrées aux parties à l’accord ; la décision d’homologation ou d’exequatur ne fait l’objet d’aucune publicité et ne reprend pas le contenu de l’accord qui reste confidentiel.