LE REGLEMENT PREVENTIF : UNE AUTRE TECHNIQUE EFFICACE DE PREVENTION DES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE

Auteur: giscardtchioffo / Kontchou Brain Trust Law Chambers

Dans le souci d’éviter la cessation de paiement de l’entreprise, […]

Dans le souci d’éviter la cessation de paiement de l’entreprise, le législateur OHADA lors de la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif en 2015, a fait du règlement préventif une arme de sauvetage. L’article 2, alinéa 2 dudit Acte uniforme dispose : « Le règlement préventif est une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif ». Il permet l’apurement du passif de l’entreprise au moyen d’un concordat préventif. Il est inspiré de la procédure de suspension des poursuites instituée par la loi française du 23 septembre 1967 que certains Etats africains avaient repris dans leurs législations sans modification et le règlement amiable de la loi française du 1er mars 1984.

  1. Quelles sont les conditions d’ouverture de cette procédure préventive ?

Il existe deux conditions relatives à la procédure de conciliation. La première porte sur l’entité concernée et la seconde sur sa situation. L’entité concernée par la procédure collective en général et la procédure de conciliation en particulier doit être :

  • Toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, toute personne morale de droit privé ainsi que toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé ;
  • Les personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise à un régime particulier lorsqu’il n’en est pas disposé autrement dans la réglementation spécifique régissant ladite activité. Il s’agit plus spécifiquement des établissements de crédit, des établissements de micro finance, des acteurs de marché financier et des entreprises d’assurance et de réassurance.

En ce qui concerne la situation de l’entreprise visée, pour que la procédure de règlement préventif soit mise en œuvre, l’entreprise en question ne doit pas être en état de cessation des paiements et doit justifier de difficultés financières ou économiques sérieuses.

  1. Comment déclencher la procédure de règlement préventif ?

La juridiction compétente est saisie par une requête du débiteur ou par une requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers, déposée au greffe contre récépissé. Dans cette requête, le débiteur expose ses difficultés financières ou économiques ainsi que les perspectives de redressement de l’entreprise et d’apurement de son passif. Aucune requête en ouverture d’un règlement préventif ne peut être présentée par le débiteur

  • Si un concordat préventif ou de redressement est encore en cours d’exécution ;
  • Avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de l’homologation d’un précédent concordat préventif ;
  • Avant l’expiration d’un délai de dix-huit mois à compter de la fin d’un règlement préventif n’ayant pas abouti à un concordat préventif.

 

  1. Quels sont les documents qui doivent accompagnés la demande du débiteur ?

La requête du débiteur est accompagnée d’un certain nombre de documents contenus à l’article 6-1 de l’Acte uniforme précité.  Nous n’insisterons ici que sur le projet de concordat qui figure parmi ces documents. En effet, le débiteur doit proposer un projet de concordat. Le projet de concordat préventif précise les mesures envisagées pour le redressement de l’entreprise, notamment : ·  les modalités de continuation de l’entreprise, telles que la demande de délais et de remises, la cession partielle d’actif avec indication précise des biens à céder ; la cession ou la location‐gérance d’une branche d’activité formant un fonds de commerce ; la cession ou la location‐gérance de la totalité ou d’une partie de l’entreprise, sans que ces modalités soient limitatives et exclusives les unes des autres ; ·  les noms, prénoms, qualités et adresses des personnes tenues d’exécuter le concordat préventif et l’ensemble des engagements souscrits par elles et nécessaires au redressement de l’entreprise ; ·  les modalités du maintien et du financement de l’entreprise, du règlement du passif né antérieurement à la décision d’ouverture du règlement préventif ainsi que, s’il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l’exécution ; ces engagements et garanties peuvent consister, notamment, en la souscription d’une augmentation du capital social par les anciens associés ou par de nouveaux, une conversion de créances en capital, l’ouverture de crédits par des établissements bancaires ou financiers ou par toute autre personne, y compris tout nouvel apport en trésorerie ou sous forme de nouveau bien ou service ainsi que le montant de l’apport ou la valeur du bien ou du service ; la poursuite de l’exécution de contrats conclus antérieurement à la requête, la fourniture de cautions ; ·  le niveau et les perspectives d’emploi, ainsi que les licenciements pour motif économique qui doivent intervenir dans les conditions prévues par les dispositions du droit du travail ; ·  le remplacement de dirigeants.

Si le projet de concordat préventif lui paraît sérieux, le président de la juridiction compétente ouvre la procédure et désigne un expert au règlement préventif, qui satisfait aux conditions et critères définis pour lui faire un rapport sur la situation financière et économique de l’entreprise débitrice et les perspectives de redressement, compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres mesures contenues dans le projet de concordat préventif.

Il a été jugé que pour être sérieux et gagner la conviction du tribunal, le projet de concordat ne doit pas consister en des perspectives bien évalués mais plutôt en des mesures concrètes et des propositions réelles tout aussi bien quant au personnel qu’aux ressources et à des remises des créanciers et délai convenu en vue de redémarrer l’activité et apurer collectivement le passif (TGI Ouagadougou, n° 100 bis, 24-1-2001, requête des établissements Kongo et frères).

  1. Quels sont les effets de la décision d’ouverture du règlement préventif

La décision d’ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances nées antérieurement à ladite décision pour une durée maximale de trois mois, qui peut être prorogée d’un mois. La suspension des poursuites individuelles concerne aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires, y compris toute mesure d’exécution extrajudiciaire. Elle s’applique à toutes les créances chirographaires et à celles garanties par un privilège général, un privilège mobilier spécial, un gage, un nantissement ou une hypothèque, à l’exception des créances de salaires et d’aliments. Elle ne s’applique pas aux actions tendant à la reconnaissance des droits ou des créances contestées, ni aux actions cambiaires dirigées contre les signataires d’effets de commerce autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites individuelles. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent article. Les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance, prescription ou résolution de leurs droits sont suspendus pendant toute la durée de la procédure en cours.

  1. Quelle suite pour le règlement préventif ?

Dès le dépôt du rapport de l’expert, le président de la juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à comparaître à une audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à cette audience l’expert ainsi que tout créancier qu’il juge utile d’entendre. Le débiteur peut saisir lui‐même la juridiction compétente. La juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus tard dans un délai de trente jours à compter de sa saisine. Le règlement préventif continue de produire ses effets, en particulier concernant la suspension des poursuites individuelles des créanciers, jusqu’à ce que la juridiction statue.

Si elle constate la cessation des paiements, la juridiction statue, d’office, sur le redressement judiciaire ou la liquidation des biens. Lorsque la situation du débiteur le justifie, elle homologue le concordat préventif, en constatant les délais et remises consentis par les créanciers et en donnant acte au débiteur des mesures proposées pour le redressement de l’entreprise. Les délais et remises consentis par les créanciers peuvent être différents. La juridiction compétente homologue le concordat préventif si :

  • Les conditions de validité du concordat préventif sont réunies ;
  • Aucun motif tiré de l’intérêt collectif ou de l’ordre public ne paraît de nature à empêcher le concordat ;
  • Les délais consentis n’excèdent pas trois ans pour l’ensemble des créanciers et un an pour les créanciers de salaires.

La décision de la juridiction compétente homologuant le concordat préventif met fin à la mission de l’expert et à la procédure de règlement préventif.

  1. Quels sont les effets du concordat préventif ?

L’homologation du concordat préventif rend celui‐ci obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision d’ouverture du règlement préventif, que leurs créances soient chirographaires ou garanties par une sûreté dans les conditions de délais et de remises qu’ils ont consenties au débiteur. L’homologation du concordat rend celui‐ci également obligatoire pour les personnes coobligées ou qui ont consenti une sûreté personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie lorsqu’elles ont acquitté des dettes du débiteur nées antérieurement à cette décision.

Les créanciers munis d’un privilège général, d’un privilège mobilier spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque ne perdent pas leurs garanties. Toutefois, ils ne peuvent les réaliser qu’en cas d’annulation ou de résolution du concordat préventif auquel ils ont consenti ou qui leur a été imposé.

A l’exception des personnes physiques, les coobligés ou les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des délais et remises du concordat préventif. La prescription demeure suspendue à l’égard de tous les créanciers qui, par l’effet du concordat préventif, ne peuvent exercer leurs droits ou actions, y compris toute mesure d’exécution extrajudiciaire. Le concordat préventif suspend également, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties audit concordat à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par ledit concordat. Dès que la décision homologuant le concordat préventif est passée en force de chose jugée, le débiteur recouvre la liberté d’administration et de disposition de ses biens.