Les apports en industrie dans les sociétés commerciales : c’est désormais plus attractif

Auteur: Maître Gabriel KONTCHOU / Kontchou Brain Trust Law Chambers

De façon générale, la création d’une société civile ou commerciale […]

De façon générale, la création d’une société civile ou commerciale est réalisée au moment de sa constitution par les apports des personnes qui la fondent ou, plus tard, par ceux des personnes qui décident de participer à l’affaire.

Selon l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, les apports dans le capital des sociétés commerciales sont ou peuvent être de plusieurs ordres, à savoir :

  • Les apports en numéraire, les plus connus : ce sont des sommes d’argent ;
  • Les apports en nature, par exemple un immeuble, une voiture, ou tout autre bien corporel ou incorporel ;
  • Et les apports en industrie, moins connus et moins pratiqués.

Avec la révision en 2014 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, l’OHADA a valorisé le capital humain dans son espace. Désormais, le statut d’apporteur en industrie est bien défini et plus attractif.

En effet, le législateur  a facilité l’accès à ce statut, en élargissant le contenu des apports en industrie et en précisant les formes de sociétés commerciales susceptibles de les accueillir.

Si les autres formes d’apport ne posent pas de réels problèmes en raison du fait qu’ils sont facilement évaluables et réalisables, les apports en industrie suscitent très souvent et encore des interrogations tant au niveau de leur conception même, qu’au niveau du statut des apporteurs.

Relativement à leur conception, il faut noter des efforts de précision de la notion lors de la révision de l’Acte uniforme en 2014.

Il en ressort qu’ils désignent « les connaissances techniques ou professionnelles ou des services qu’une personne affecte ou promet d’affecter au profit de la société ».

Sa consécration en droit OHADA s’est faite dès l’avènement du premier Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSC). Toutefois, jusque-là, le législateur ne lui accordait aucune place dans la définition de la société commerciale.  il ne figurait pas au rang des apports nécessaires à la constitution de la société. Pire encore, l’ancien article 37 de l’Acte uniforme prévoyait  que « (…) Chaque associé est débiteur envers la société de ce qu’il a promis de lui apporter, en nature ou en numéraire ».

Seul l’article 40 alinéa 2 de cet Acte uniforme faisait mention de l’apport en industrie, tout en le limitant au seul « apport de main d’œuvre ».

La conséquence directe de ce laconisme sur ce sujet, était que les associés apporteurs en industrie étaient considérés comme des associés de « seconde zone ». Il s’agissait d’une catégorie d’associés moins valorisés en droit des sociétés commerciales. D’ailleurs, il était difficile de déterminer ses pouvoirs, de définir sa rétribution, de déterminer ses droits en cas de retrait de la société, etc.

Désormais, avec la réforme, tout est au plus clair, rendant ce statut plus attractif.

1-QUELLES FORMES DE SOCIETES COMMERCIALES PEUVENT ACCUEILLIR LES APPORTS EN INDUSTRIE?

Dans la réforme de 2014, l’article 50-1 indique que « les apports en industrie sont interdits dans les sociétés anonymes ».

Le législateur a ainsi implicitement reconnu l’admission de ces apports dans toutes les autres formes de société prévues par l’Acte uniforme. Il a, par cette disposition, clos le débat sur les formes de société pouvant accueillir ces apports.

Ainsi, la SARL est susceptible d’accueillir les apports en industrie pour sa formation.

Par ailleurs il faut relever que le législateur autorise, pour la société par actions simplifiées (S.A.S) l’émission des actions inaliénables résultant d’apports en industrie.

Or, dans cette forme de société, qui est bien une société de capitaux, les associés ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et leurs droits sont représentés par des actions, exactement comme dans les sociétés Anonymes.

Dès lors, on comprend difficilement ce qui a motivé le législateur à exclure les S.A. de la liste des sociétés commerciales pouvant émettre des apports en industrie.

Il faut également et enfin relever sur ce point, que les autres formes de sociétés dans lesquelles la responsabilité des associés est illimitée, peuvent accueillir des apports en industrie. Il s’agit de la société en nom collectif (SNC) et de la société en commandite simple (SCS).

  1. QUEL STATUT POUR L’ASSOCIE APPORTEUR EN INDUSTRIE, QUELLES MODALITES DE CONSTITUTION ET DE RATIONNEMENT DE CET APPORT?

La difficulté avec les apports en industrie est qu’ils ne concourent pas à la formation du capital.

Selon l’article 50-3 (nouveau) les apports en industrie donnent simplement lieu à l’attribution de titres sociaux ouvrant droit au vote, au partage des bénéfices et à l’actif net, à charge de contribuer aux pertes.

Comme tel, l’on pourrait penser que l’apporteur en industrie n’a pas la qualité d’associé.

Cependant, le législateur OHADA a, dans sa réforme, maintenu l’idée selon laquelle la qualité d’associé peut être reconnue aux détenteurs de titres non représentatifs du capital social.

Ainsi, bien que ne prenant pas part à la formation du capital, l’apporteur en industrie est un associé à part entière, puisqu’il a les mêmes droits et obligations que les autres apporteurs. En effet, comme ci-dessus indiqué, les apports en industrie donnent lieu à l’attribution de titres sociaux qui eux-mêmes donnent droit au vote et au partage des bénéfices et de l’actif net, à charge pour le titulaire de contribuer aux pertes.

L’on peut  donc constater que le législateur a amélioré le statut de l’associé apporteur en industrie, en précisant ses attributs au sein de la société, favorisant de ce fait l’usage dans les affaires de ce type de participation au capital des sociétés commerciales pour ceux qui ne peuvent apporter que leur temps de travail  ou leur expertise professionnelle .

D’autres difficultés observées quant au statut de l’associé apporteur en industrie et relatif aux modalités de constitution de ce type d’apports,  sont celles de la proportion de sa participation au vote, aux bénéfices et pertes, et celles liées à l’évaluation de l’apport.

S’agissant de l’évaluation des apports au capital social, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, précise de manière générale que les droits et obligations de chaque associé sont proportionnels à ses apports, qu’ils soient faits lors de la constitution de la société ou au cours de la vie sociale.

Il en résulte que l’apporteur en industrie prendra la part proportionnelle à l’évaluation faite de son apport.

Pourtant, il se pose le problème de sa part contributive, dans la mesure où le législateur prescrit en son article 50-4 que les apports en industrie n’ont pas de valeur nominale.

La difficulté semble levée au regard de l’alinéa 2 de l’article 50-2, selon lequel les statuts, non seulement, décrivent l’apport en industrie et déterminent les modalités de sa libération y compris la durée des prestations qui sont fournies par l’apporteur, mais également le nombre de titres sociaux attribués en rémunération de ces prestations, ainsi que les droits attachés à ces titres dans le partage des bénéfices et de l’actif net.

Il va de soi que la fixation du nombre de titres attachés à ce type d’apport induit nécessairement une possibilité d’évaluation chiffrée de l’ensemble de l’apport en industrie, ainsi que des droits et obligations qui en résultent, sans que cela traduise une évaluation nominale de chacun des titres.

Pour résorber les difficultés d’évaluation, le législateur a limité la part contributive des apporteurs en industrie.

Ainsi, la part totale du capital attachée aux titres sociaux de ces derniers, ne peut excéder 25  % des bénéfices, de l’actif net et des pertes de la société.

Pour ce qui est des attributs politiques (droits de vote et aux informations), l’associé apporteur en industrie est un citoyen de cette cité qu’est la société commerciale, comme dans toutes les sociétés.

Comme tel, il a droit à l’information sur les comptes et à la politique sociale, il a droit de participer aux assemblées et d’y exprimer son vote. Dans ce cadre, il peut se faire représenter par un mandataire dans les conditions prévues par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, et le cas échéant par les statuts. Son droit de vote est proportionnel à sa participation au capital social.

Cependant, comme pour les bénéfices, l’actif net et es pertes, le droit au vote résultant des apports en industrie ne peut être supérieur à 25 % de l’ensemble des droits de vote d’une même société commerciale.